Un dialogue social sans intermédiaires

L’organisation internationale du travail (OIT) définit le dialogue social comme les mécanismes au travers desquels les représentants des gouvernements, des employeurs et des salariés négocient, se consultent ou simplement échangent des informations sur toutes les questions d'intérêt commun concernant la politique économique et sociale. Ce supposé dialogue, qu'on devrait d'ailleurs plutôt qualifier de socio-économique (inter)professionnel pour souligner les liens étroits existant entre le social et l'économique, se déroule à deux niveaux :

  1. Le niveau 1 concerne les mécanismes de type technocratique déployés épisodiquement au niveau national ou dans les branches professionnelles pour faire évoluer les dispositions réglementaires et législatives applicables à l'entreprise ;
  2. Le niveau 2 concerne les mécanismes mis en œuvre régulièrement dans les entreprises pour s'informer, se concerter et/ou négocier sur les questions relatives à leur fonctionnement.

En France, les échanges de niveau 1 ne constituent pas un véritable dialogue social :

  • Les interlocuteurs en présence ne sont pas suffisamment représentatifs de leurs mandants, ce qui affaiblit leurs positions dans les négociations.
  • Les discussions/négociations ont un caractère très épisodique, voire exceptionnel, ce qui ne permet pas d'atteindre une bonne qualité d'écoute dans les échanges.
  • L'idéologie affichée par certains acteurs est encore fortement imprégnée de lutte des classes, ce qui rend les positions difficilement conciliables et stérilise le débat.

L'amélioration du dialogue social ne peut donc passer à court terme que par le niveau 2, c'est-à-dire par les mécanismes de concertation permanente instaurés au sein des entreprises entre la direction et les instances de représentation collective de leurs salariés. Les mécanismes de niveau 2 présentent l'avantage d'être permanents et de mettre en présence des acteurs directement impactés par les décisions qu'ils prennent, donc nécessairement plus responsables. Toutefois, les dispositions actuelles laissent encore apparaître deux écueils majeurs :

  • Un excès de formalisme, lié à une accumulation de règles et d'obligations, d'une part,
  • Une représentation insuffisante ou inadéquate des salariés, d'autre part.

Concernant le formalisme, il faut simplifier les mécanismes pour favoriser à la fois la délibération sur les enjeux stratégiques de l'entreprise et la recherche constructive de solutions dans tous les domaines de son fonctionnement. Selon un rapport de l'Institut Montaigne (juin 2011), "une amélioration de la qualité du dialogue social et du sentiment qu'ont les salariés d'être pris en compte dans le système de décision de l'entreprise ne viendra pas de plus de droits formels (une stratégie qui a depuis longtemps montré ses limites) mais plutôt d'un recentrage de l'ensemble des acteurs sur l'essentiel : la recherche de la cohésion sociale, le dépassement des conflits d'intérêts qu'il faut savoir reconnaître, le sens de la responsabilité et le respect des acteurs". Pour cela, il faut supprimer les exercices de pure forme et substituer une obligation de résultats à l'obligation de moyens imposée par la loi. C'est possible dans le cadre d'un contrat d'entreprise engageant la direction vis-à-vis des salariés sur un ensemble de points, qui intégreraient une partie des obligations classiques, complétées par divers engagements de nature à renforcer le jeu collectif. Pour respecter l'obligation de résultats, un organisme indépendant, agréé par la puissance publique, pourrait être mandaté pour sonder annuellement l'ensemble des salariés de l'entreprise et recueillir leur avis sur la manière dont le contrat d'entreprise a été respecté. En cas de manquement grave, non corrigé dans les délais impartis, ou en cas de manquements répétés sur des points précis, les dérogations réglementaires accordées du fait de l'existence d'un tel contrat seraient supprimées. Compte tenu des avantages que ce dernier serait susceptible d'apporter à une entreprise, il est probable que le dirigeant serait naturellement enclin à le respecter.

 

Concernant la représentation des salariés, deux types de solutions sont envisageables : plus de syndicats ou moins de syndicats. Le récent projet de loi relatif au dialogue social et à l'emploi, qui reconnait que "la qualité du dialogue social [dans les entreprises] peut être largement améliorée", est clairement pour un "renforcement de la primauté des organisations syndicales" sans s'interroger sur leur part de responsabilité dans la mauvaise qualité du dialogue social. Pour ma part, renforcer au niveau 2 le pouvoir d'intervenants qui n'arrivent pas à dialoguer au niveau 1 n'est pas une bonne idée.

 

Le Préambule de la Constitution de 1946 indique que "tout travailleur participe, par l'intermédiaire de ses représentants, à la détermination collective des conditions de travail ainsi qu'à la gestion des entreprises", mais rien n'oblige ledit travailleur à faire appel à un syndicat professionnel pour être valablement (collectivement) représenté. L'idée de se passer des syndicats pour améliorer le dialogue social peut sembler a priori saugrenue. Elle est en effet difficile à mettre en œuvre dans les grands groupes où les instances de concertation s'empilent les unes sur les autres. Elle est par contre tout à fait envisageable dans le cadre d'une PME ou d'une ETI et peut même s'avérer plutôt bénéfique pour le développement d'une entreprise sous réserve de respecter les quelques principes suivants:

  • Supprimer tous les intermédiaires (pas de syndicat maison) ;
  • Impliquer la majeure partie, voire la totalité des salariés ;
  • Eviter la personnalisation des relations (pas d'interlocuteur immuable) ;
  • Imposer un engagement clair de la direction dans la démarche ;
  • Contrôler la satisfaction pour se conformer à l'exigence de résultats.

En considérant que la formation et la possibilité de faire appel à des spécialistes extérieurs peuvent pallier les difficultés liées à la technicité des sujets à traiter, il apparaît qu'un dialogue social de qualité peut être parfaitement assuré au niveau 2 par la mise en place d'une instance de représentation collective des salariés, le conseil d'entreprise, qui fonctionnerait de la manière suivante :

  • Le conseil d'entreprise fusionne l'ensemble des dispositifs de représentation du personnel, à savoir CE, DP et CHSCT, dont il reprend en les simplifiant toutes leurs attributions.
  • Les membres du conseil d'entreprise sont des salariés tirés au sort au sein de chaque collège électoral. Ils sont renouvelés tous les ans et le tirage au sort est effectué sans remise, pour que la quasi-totalité des acteurs internes ait la possibilité d'y participer.
  • À chaque renouvellement du conseil d'entreprise, les nouveaux membres élisent leur président pour un an. La logistique et la permanence du conseil sont assurées par la DRH.
  • Le conseil d'entreprise se réunit tous les mois. Chaque réunion comporte une partie générale, au cours de laquelle le dirigeant fait le point sur la marche de l'entreprise, et une partie technique, animée par la DRH, pour passer en revue tous les problèmes remontés par les salariés en matière de sécurité, de conditions de travail, etc.
  • Pour tenir son rôle dans le conseil, chaque salarié reçoit une formation poussée portant sur les principaux aspects de la gestion d'une entreprise comme sur tous les aspects réglementaires applicables dans le cadre de son mandat de représentation. La sélection des membres du conseil est effectuée six mois avant la prise de fonction pour que chacun ait le temps de s'y préparer, mais chaque salarié sélectionné est libre de refuser le mandat qui lui est proposé.

Le conseil d'entreprise organise un face-à-face direct, sans intermédiaire, entre le dirigeant et la communauté qu'il a en charge. Il évite l'émergence d'un contre-pouvoir trop personnifié, qui se mue souvent en conflit de personnes. Il mise plus sur la convergence des intérêts que sur le rapport de force, en considérant qu'une communauté a besoin d'un leader responsable en qui elle puisse avoir confiance et que, si cette confiance n'existe pas, c'est tout l'avenir de l'entreprise qui est menacé.

 

Pour compléter les dispositions ci-dessus et transformer un dialogue social contraint en un dialogue socio-économique riche et constructif, il faut également assurer un meilleur équilibre entre les pouvoirs respectifs des actionnaires et des salariés. Cet objectif peut être atteint en favorisant l'actionnariat de long terme, en développant l'actionnariat des salariés et en changeant les règles de nomination, de révocation et de rémunération des dirigeants. Il s'agit de transformer le conseil d'administration en un conseil actionnarial disposant de pouvoirs réduits dans ces trois domaines. Une telle évolution place le dirigeant en position d'arbitre entre un conseil d'entreprise représentant les intérêts des salariés et un conseil actionnarial représentant les intérêts des actionnaires. Il est alors naturellement contraint d'engager l'entreprise dans un projet de développement à long terme, qui constitue le meilleur, voire le seul moyen de concilier les intérêts des premiers et des seconds.

 

Les propositions ci-dessus, qui sont de nature à redynamiser le dialogue social, sont parfaitement compatibles avec les évolutions managériales requises pour libérer le potentiel humain au service du développement des entreprises. La cohérence des dispositions requises pour assurer leur efficacité peut nécessiter la création d'un statut de société spécifique.

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Commentaires: 6
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